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Sa grande souffrance est au sujet de sa place, celle qu’elle ne parvient pas à occuper.

Je dis , moi, celle qu’elle ne parvient pas à voir.

Je l’accompagne depuis quelques mois. Elle m’a choisi parce qu’elle me sent peut-être l’accueillir exactement comme elle est. Je l’ai choisie parce qu’elle est riche de son évidente différence.

Elle se cherche à travers des mots et tous les maux qu’elle me décrit. Je ne lui affirme rien et ne lui reformule rien qu’elle ne sache déjà.

Je l’interroge au gré de nos voyages. Elle souffrait de sa différence, de sa si grande et belle différence dont elle n’a jamais rien voulu savoir. D’une famille nombreuse aux blessures béantes, les plaies familiales ont laissé une marque à la vue de tous. Elle grogne, exige et se tue à la tâche.

Aucun groupe n’a jamais été bon pour qu’elle s’y attarde. Aujourd’hui, celui dans lequel elle évolue la renvoie à ce qu’elle fuit. “Sans intérêt” dit-elle. Non pas qu’elle recherche l’intérêt. Elle baisse les bras simplement. Sans espoir d’être comprise, elle renonce systématiquement à faire valoir sa place.

Ce soir elle entend enfin la question sourde que je lui pose et accepte de se regarder autrement qu’en se fuyant.

Elle s’entrevoit comme une douce présence possible, aidante et à l’écoute. Ça la fait pleurer. Nous préparons son entrée dans la grande salle du bal des réunions à venir. Nous préparons lentement sa petite révolution intérieure, doucement…

Nos échanges l’ont amené à s’entendre dire qu’elle est telle qu’elle s’aime. Qu’elle ne se peut, ni se veut, autrement et qu’ainsi elle va se vivre dorénavant au grand jour.

Bientôt elle se verra s’affirmer comme elle est. Lunaire, dansante, et légère à la fois, dans une folie voyageuse au regard malicieux et naïf.

Il n’a jamais, en réalité, été vraiment question de trouver sa place, car elle l’a toujours occupée, mais simplement de trouver ses mots pour s’accueillir et s’affirmer comme telle, dans tout l’espace qu’elle désire occuper, à la manière dont elle veut l’occupe… Et surtout, cesser enfin de se préoccuper d’avoir l’air de ne pas être là.