Traditionnellement les vœux se forment et s’expriment à chaque nouvelle année, comme si le début d’un cycle devait comprendre une intention et une ligne de conduite à suivre, aussi floue soit-elle.
Nous envoyons nos vœux à ceux qui nous sont chers et par convention à d’autres, même à ceux qui nous indiffèrent. Nous formulons nos vœux comme des cadeaux incontournables. Les formules banales aux allures de magie, pour ceux qui veulent y croire, sont une promesse pour les uns, une simple formule de politesse pour les autres mais, quand bien même, nous les exprimons car ils portent malgré tout une « bonne parole ». Le mot est son et vibration. Pour nous qui les pensons et les transmettons, ces mots résonnent dans l’air parmi ces millions d’autres comme des prières. Nous les lançons dans l’espace mais qu’évoquons-nous dans ces vœux que nous offrons ?
Il y a toujours eu des rituels et des rites de passage dans toutes les cultures, lors des changements de cycle ; nous les aimons parce qu’ils offrent un commencement. Telle la naissance et la mort, le cycle offre l’espoir du renouveau et l’opportunité de remettre en jeu ce qui est terminé ou ce qui n’a pas abouti.
Le cycle, c’est la vie, la continuité, le possible. Nous le voulons plus sûr, plus fort, plus généreux à chaque fois et plus vivant. Porteurs de promesses, le vœu conjure le mauvais sort, éloigne la fatalité et son lot de difficultés qui pourraient avoir raison de nos attentes. Il n’y a pas de mauvais ou de bon vœu, le vœu est une intention vers demain. Même les intentions les moins honorables jouent leur rôle dans le cycle à relancer. Il nous permet de sentir la force de notre pouvoir sur demain, de sentir notre puissance, quelle qu’elle soit : invocatrice, intentionnelle, créatrice et spirituelle. Elle nous offre la forme de ce qui nous échappe : l’incertitude dans chaque lendemain.
Nous chantons, nous dansons les rondes de rites ancestraux qui nous habitent. Main dans la main, épaule contre épaule ou vocalises à l’unisson par écran interposé, elles reprennent vie à chaque changement de cycle. Comme le tourniquet du manège de nos vies dont l’énergie du pied redonne l’élan, l’énergie du vœu relance le monde. C’est un tour de plus pour notre mère Terre, à travers toutes les prières que nous nous prodiguons. La ronde nous rappellent que la boucle se re-boucle, que la continuité se maintient, que la vie est sauve.
C’est le battement du coeur, le rythme du temps sacré. Le chant entraine, relance la cadence, ranime le feu de l’existence, de la persistance et de l’énergie. Le vœu relance l’envie, l’espoir et maintient en suspend les désirs pour que tout puisse se rejouer, se faire ou se parfaire. « Ainsi font font font… » nos petites marionnettes intérieures, de la magie venant du fond des âges, ne vous déplaise. Nos dansent sont devenues des fêtes populaires et nos chants des feux d’artifices éclairant nos cœurs et le sombre ciel d’un avenir de lumières, de joie et d’émerveillement.
La paix existe quelque part, c’est là, dans l’interstice du passage, entre fin et début de cycle.
Nous lançons des mots d’espoir et formulons une nouvelle alliance avec l’invisible, avec ce qui tend vers nous, avec l’inattendu. La paix existe quelque part, là, dans l’interstice du passage, entre fin et début de cycle. Ce moment charnière est celui qui nous offre la trêve universelle, une paix accessible, intérieure afin que nous puissions reprendre notre souffle et y retrouver la foi car, dans la course de la vie, il nous faut reprendre notre rythme, retrouver un axe, une voie, une « en vie ».
Les vœux que nous faisons nous reviennent en boucle par la bouche des autres. Nous offrons les vœux que nous voulons recevoir. Nous lançons à tue-tête l’offrande de l’esprit, le cadeau immatériel de l’à-venir.
Voilà le rituel auquel nous ne pouvons échapper car il est essentiel à l’âme de monde. Sans lui, consciemment ou pas, nous courrons le risque de nous sentir pris au piège de l’enfer de l’immuable passé qui nous revient ; ce passé porteur des sombres moments à épurer et des espoirs non réalisés. Ne pas formuler de vœu serait oublier, ou pire, rompre la boucle, casser la ronde et risquer l’arrêt du processus de recyclage, comme le golf Stream qui ralenti et annonce la fin de la cadence perpétuelle et universelle. Le rythme perpétuel ne peut cesser, cela ne peut se concevoir. Cet arrêt signerait la disparition de tout. C’est cette fin qui nous terrifie et non la mort, car la mort est un cycle d’où émerge la vie. La fin des cycles, elle, est l’extinction de tout. La fin du mouvement c’est la fin des temps. Alors probablement faisons nous des vœux bien plus pour relancer le cycle que pour les voir réellement s’exaucer.
Nous ne croyons pas que l’année sera exsangue de malheurs bien que nous continuons à croire qu’il faut espérer de plus belles années ; nous espérons surtout voir d’autre révolutions, d’autres temps et l’assurance que d’autres années perpétueront la mémoire que nous fûmes. Nous formulons des vœux parce que nous avons besoin non pas tant de croire en une nouvelle année parfaite mais de croire à l’évolution éternelle, de croire en l’éternité.
Texte écrit le 30 décembre 2016 – Béatrice Gomez