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Il faut “risquer sa vie”, nous disait Anne Dufourmantelle. C’est en incarnant pleinement ses valeurs qu’elle l’a hélas perdu sa vie en tentant de sauver celle d’un enfant en se jetant à l’eau sans hésiter.

“Se jeter à l’eau”, j’entends déjà la limite de ce principe dans nos esprits, appuyée par la triste fin que nous connaissons pour cette femme de conviction.

Pour autant, chaque action de notre part n’est pas toujours vouée à nous mettre en danger de mort. Mais il arrive que nos idées soient confrontées et mises à l’épreuve.

C’est dans la mise à l’épreuve que nous découvrons qui nous sommes (encore) vraiment. Car, quand un phénomène d’ampleur s’empare de notre vie, que reste-t-il de nos convictions ?

Nous chercherons à confirmer nos croyances, nos idées ou bien, nous les remettrons en question.Or dans le confort de notre société, nous avons perdu la capacité de requestionner nos actes et nos idées.

Nous considérons que le changement est à l’extérieur, qu’il est chez les autres et nous rechignons à changer quoi que ce soit profondément chez nous.

Pourtant, chaque jour est une remise en jeu ; une remise en vie.

Chaque jour est un risque. Le risque de se tromper, le risque d’erreur, le risque de souffrir, de tomber… De tomber malade, de perdre un ami, de perdre de l’argent, de perdre pied.

Mais chaque jour est aussi l’occasion de gagner ; de gagner en confiance, de gagner des amitiés, de l’argent, du temps… Pourtant “vivre” ce n’est pas que perdre et gagner.

Vivre, c’est aussi changer car dans cet enchevêtrement d’enjeux, inévitablement le changement opère.

Plus le risque est petit, moindre est la remise en question. Plus il est grand, plus nous nous confrontons à nos certitudes. Et c’est sans doute cela qui nous fait le plus peur.

Faire face à l’incertitude semble plus simple que faire face à nos certitudes.La plus grande peur serait peut-être d’aller à la rencontre d’un soi qui ne nous est pas familier, un soi qui nous apparait hors de la maîtrise de ce soi actuel. Le contrôle est notre dieu d’aujourd’hui.

Réduire le risque semble donc le grand besoin de notre société, et qui blâmerait cela ? Sans doute est-ce pour cela qu’elle est encline à valoriser le transhumanisme comme voie d’évolution. Nous mettre sous contrôle pour que l’avenir soit maîtrisé semble un rêve plus certain qu’un utopique paradis.

L’immortalité rêvée se fraie un passage plus facile à travers le projet transhumaniste faute d’une voie transcendantale bannie du monde cartésien. La divine immortalité promise n’est donc plus de mise.

Il est peut-être temps d’intégrer dans la science ce qu’elle a perdu au fil des temps, son esprit de curiosité pour ne pas focaliser sur l’espérance de vie mais sur l’EXPERIENCE DE VIVRE.

L’obscurantisme à gagner un corps, celui de la science qui, ironie du sort, aspirait précisément à en sortir. Les deux faces d’une même pièce, science et religion, se font opposition au point maintenant de se confondre dans leur dogme.

Si je devais miser sur un axe de progrès c’est celui de la transformation de ce corps qui se meurt. Si la science sert l’évolution, elle ne peut se passer elle-même d’une profonde évolution intérieure. Elle doit prendre ce risque, précisément pour ne pas disparaitre dans le carcan limitant de ses représentants.

“La vie rétrécie ou s’élargit en fonction de son courage”

Anaïs Nin