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En matière de relations, il m’a fallu beaucoup de temps pour voir que certaines personnes ne voient en l’autre qu’un moyen à  leur désir de réalisation. Je ne parle pas d’amitiés. Je parle de ces relations qui vont et viennent dans notre vie. Ces rencontres hasardeuses dans la houle des mouvements de l’existence.

Certaines personnes en effet ressentent un besoin puissant de se rapprocher d’autres personnes qui semblent, en toute apparence, briller dans leur domaine, tel un soleil rayonnant de toute sa beauté prometteuse.

Elles espèrent probablement profiter d’un rayonnement misant parfois juste et souvent hélas le pari ne tient pas la promesse. Elles finissent un beau jour par quitter leur nouvel ami, subitement. Simplement, elle les laissent de côté comprenant qu’elles ne profiteront pas vraiment de la lumière escomptée. Ainsi donc vont et viennent des approches et des revirements.

“Souvent, les histoires se répondent entre-elles”

J’ai eu moi aussi la sensation à certains moment de ma vie de répéter ainsi cet étrange phénomène, voyant des personnes s’inviter dans ma vie, m’ouvrant une porte plutôt facilement. Je ne saisissais pas, au premier abord, les raisons de tels élans. Sans doute ai-je représenté ce mirage ensoleillé. Probablement que j’ai moi-même entretenu ce mirage, nourrissant en miroir le même espoir. Car souvent, les histoires se répondent entre-elles.

Je ne peux qu’être heureuse d’avoir su le voir. Ce qu’elles jouaient avec moi se soldait par un éloignement douloureux et le refus d’ouvrir la voie d’une sincère amitié m’attristait mais j’ai fini par voir que je jouais aussi à ma façon ce jeu de lumières. Quoi de plus bon pour l’égo que de se sentir au centre de la cour dans la course à la reconnaissance ?

Ces jeux, surtout les plus inconscients, peuvent durer longtemps. Les plus douloureux prennent leur source dans notre histoire la plus ancienne. Plus nous en tirons une gratification immédiate, plus cela s’installe. Cependant, pour toutes les personnes en quête de relations sincères — j’entends par là, en quête de gratuité et d’affect — ces jeux finissent toujours par révéler leur faille et devenir douloureux ou épuisants.

Ce qui nous attire chez l’autre est très différent selon chacun. Plus nous sommes dans l’apparat (l’appât rat ? ohh !), plus nous risquons d’attirer ce qui nourrit notre sentiment de manque plutôt que notre équilibre. Bien entendu, les raisons de nous cacher derrière un rôle ou une armure sont précisément liées à nos sentiments de manque. Manque de sécurité, manque de confiance, manque d’estime, manque d’amour…

Pleine de mes manques aussi, longtemps par crainte de me laisser vraiment connaitre, j’ai réalisé que je ne laissais voir qu’une seule part de moi, ne laissant pas émerger ma vraie nature. J’affichais une assurance qui n’en était pas. J’affichais, comme beaucoup le font dans notre société, l’image d’une réussite par-ci, d’une autre par-là, de la facilité, du “tout va bien”. Aucune faille et aucune vulnérabilité ne devait transparaître. Jamais.

Jamais nous n’en finissons en réalité de nos imperfections et de nos failles. Nous ne serons jamais “prêts” pour nous montrer tels que nous sommes si nous pensons que cela ne peut être fait que lorsque nous nous sentons “accompli”. C’est peine perdue. L’accomplissement est une quête sans fin, comme la perfection. Nos failles, nos erreurs, nos désirs manqués et ce que nous ne ferons et ne serons jamais, tout cela fait entièrement partie de notre constitution. Ils sont tous ces espaces de jonction, tels des vides reliés par des fils de soi et des colmatages. Ces espaces flottants entre toutes nos certitudes, nos qualités, nos expériences font partie de l’ensemble de notre personnalité. Ils nous apparaissent sans doute moins beaux à montrer que les belles parures que nous pouvons arborer plus facilement.

Je vous ai parlé de soleil et de brillance. Le soleil est un puissant archétype dans la cosmogonie. Hélios, Râ, Aton, Apollon, Sol dans la mythologie nordique, Huitzilopochtli chez les Aztèques, et plus près de nous le roi soleil Louis XIV, tous portent le symbole de cette force de vie, de chaleur et de croissance. Tous représentent ce qui nous attire et tous représentent pourtant ce qui vit en nous. Et si cela vit en nous, comment se fait-il que nous ayons alors cet irrépressible besoin de le rechercher hors de nous, chez l’autre ?

Il faut bien reconnaitre que notre société est construite sur la compétition. Depuis l’enfance nous ne cessons d’entendre les affirmations des grands qui nous disent que certains sont “plus” que d’autres. Cela nous pousse à croire que l’autre à quelque chose en “plus”, quelque chose que nous n’aurions donc pas. C’est ce quelque chose qui apparait visible aux yeux de tous, cette lumière : le succès, la réussite. Et c’est ainsi que naît le sentiment de manque, lorsque l’autre brille faussement par la reconnaissance collective.

Nous cultivons l’idée que certains sont un soleil et d’autres pas. Dans notre inconscient collectif, astres, comètes, étoiles et planètes, poussières sont autant de métaphores sur lesquels nous calquons notre propre vision relationnelle. Aussi, trajectoire (de vie), attractions et répulsions génèrent la grande danse des associations.

“Le point majeur de notre différence est dans l’être”

Mais l’être humain n’est pas seulement une matière organique faite de métaux précieux ou moins précieux. Notre alchimie est non pas moins complexe que celle du monde ni moins aléatoire. Le code génétique est là, définit, évolutif mais définit. Nous sommes tous pré-fabriqués sur la base de ce code. Un humain engendre toujours un humain. Nous nous reproduisons dans une chaine qui semble sans fin. Cependant, ne se sommes pas limité qu’à cela. Ce principe ne nous résigne pas à être semblables en tout, car nous le savons bien, aucun de nous, même les vrais jumeaux, ne se ressemblent en tout point. Le point majeur de notre différence est dans l’être. L’être est mouvant, changeant. Ce qui est permanent et immuable c’est l’étincelle de vie qui nous anime. La flamme existe en chacun de nous, le feu est un potentiel naturel. Chacun est à lui seul un soleil en puissance. Le noyau en chacun est incandescent. S’il s’éteint c’est que nous sommes mort, physiquement j’entends. Chacun est doté de sa propre lumière intérieure.

La grande aventure de la vie est sans doute de parvenir à faire jaillir le soleil que nous sommes… C’est en tout cas, le sens que je donne, moi, à l’existence.

J’ai fini par voir cela ainsi. Après avoir longtemps, comme vous probablement, cherché une réponse à la grande question de l’existence, n’en trouvant pas, je m’en suis créé une. Pourtant, pendant pas mal d’années, j’avais beau savoir intellectuellement combien la vraie lumière et la magie ne se cachent en réalité qu’en soi, je ne percevais pas cette réalité en moi. Ce sont les rencontres et les déceptions qui m’ont révélé la supercherie inconsciente de ce que, de part et d’autre, nous entretenions. C’est un grand apprentissage qui m’a rendu libre. J’espère que ces personnes qui se sont approchées de moi dans le but d’y capter cette lumière ont aussi su se délivrer…

Au fond, je ne suis pas et ne désire pas, comme le jargon le dit, “être une lumière”. Je ne souhaite pas rayonner comme la chevelure du soleil, pas plus qu’un flambeau qui porte un rêve ou qu’un ange auréolé d’étoiles et moins encore une preuse chevalière à l’âme pure étincelante. Notre société n’encense hélas que cela. L’image de la réussite se veut d’or, couronnée de succès et de dévots.

Non, j’aspire davantage à me réchauffer de la passion qui m’anime, tel un feu follet jouant dans les sous-bois. J’aspire à enchanter sans être chantée en « loue-ange » mais appelée par le hasard. Je me sens prompte à briller de mon feu dans mon fort intérieur. J’encourage chacun à revenir à lui, vers son propre feu, à ses propres projets, à suivre son chemin dans la grande expansion du son essence-ciel. Pour celui ou celle qui se sent perdu, pour celui ou celle aux ailes brulées dont la vraie nature, tombée aux oubliettes, aspire à renaître, le passage indispensable commence par retourner en soi, traverser sa poussière et sa vase pour retrouver le noyau profond qui se cache au centre de soi. En réalité, le phénix est en chacun de nous.

“Aucune étincelle n’a jamais éteint celle de l’autre”

Il ne s’agirait pourtant pas de refuser la douce chaleur du soleil et le soin de ses rayons nourrissants. Mais il faut savoir aller du jour à la nuit et de la nuit au jour pour apprendre à rêver sa vie et à vivre ses rêves, tel un astre dansant entre l’ombre et la lumière faisant sa petite révolution.

Lorsque c’est mûr, parfois toute notre histoire se dévoile dans une scène que la vie nous projette ; j’ai vu ainsi se rejouer un bout de mon chemin à travers la dernière trilogie de Star Wars (ép. VII, VIII et IX). L’étincelle, seule substance d’espoir, réside en chacun de nous. Elle est à l’intérieure de chaque être. Elle est notre vérité propre qui ne se dévoile qu’en abandonnant son reflet et l’attente que l’on porte sur lui. Ray lâche ses attaches, ses attentes et renonce à Luke. Elle part seule (et ses compagnons feront de même) se confronter à sa vérité et révéler sa véritable nature qu’elle saura nommer à la fin. Être valeureux c’est bien cela, connaitre sa valeur. Faire face c’est honorer son vrai visage, et c’est à coup sûr se dévoiler dans toutes ses aspérités. 

Gagner ou perdre, cela n’a aucune importance. Dans ce grand jeu de la vie, ce qui a de la valeur, ce qui compte vraiment, c’est de se vivre dans sa véritable nature. Et la nature nous répond en retour, C’est lorsqu’on s’offre au monde et que l’on s’expose dans sa vérité que l’on peut l’éclairer.

Quand on se choisit, on allume sa flamme. Aucune étincelle n’a jamais éteint celle de l’autre. Se dire oui à soi c’est offrir sa liberté au monde.

J’encourage chacun à chercher l’étincelle en soi, sa lumière personnelle pour éclairer sa vie. Celle qui apporte non pas attrait mais saveur ; non pas richesse mais chaleur ; non pas victoire mais valeur.